Filage de "Hamlet", le 6.O1.09, par Monique Farisy

Publié le par Tap Poitiers

C'est la dernière répétition avec les témoins, le filage donne l'ensemble de la pièce en spectacle, un ultime essai avant le grand jour.

Les coulisses du spectacle - avec les techniciens, les acteurs qui continuent de répéter seuls, l'ajustement des lumières - sont offerts à nos yeux curieux de témoins, assis dans les fauteuils de la grande salle du TAP. Dehors, il neige. A l'intérieur, c'est une impression plus chaleureuse, intime, de partager quelques moments qui n'appartiennent qu'aux initiés, ceux qui font le théâtre. Voilà un privilège appréciable.

 

La pièce est jouée intégralement. L'on retrouve, dans sa mémoire, les autres répétitions, les interrogations, ce qui participe à la reconstruction de cette pièce immortelle.

 

Les trois premiers actes insistent sur l'aspect tragique : le spectre est là, Hamlet joue beaucoup avec son corps, le jeu rentré en lui-même comme la courbe que dessinent ses épaules et son dos. Un atout et une faiblesse. Ses tirades sont comme des monologues, mais il est parfois difficile de tout entendre. Ses déplacements incessants sur la scène occultent en même temps cette intériorité du personnage et rendent le jeu d'acteur plus mécanique.

Les lumières ont une fonction esthétique et dramatique, tout comme la musique. Ainsi, l'obscurité joue son rôle métaphorique tout comme la lumière froide. Même les faucons jouent leur rôle de passeurs de ce monde à l'autre, plus inquiétant, celui de la mort. La musique, extraits de morceaux contemporains rock, ou plus douce, jouée au piano, participent à cet univers décomposé où des moments de poésie et d'amour existent toutefois.

Dans cette pièce immortelle, la décomposition tient une large place. Elle apparaît ici surtout dans la folie des personnages, celui d'Hamlet d'abord, celui d'Ophélie ensuite.

Ophélie est ici sublime. Sa douceur et sa pureté, son obéissance filiale, puis sa folie impressionnent. Sa nudité très "pudique", dans l'ombre, est à l'opposé de celle d'Hamlet, artificielle et donc plus impudique. Il faut noter une réussite technique, lorsqu'une sorte de papier argenté et vert entoure comme dans une spirale le corps de la jeune femme. Ophélie devient alors un mythe, une image éternelle.

 

Hamlet, à mes yeux, est moins convaincant. Il apparaît parfois sublime - dans ses accès de désespoir - mais il peut aussi agacer le spectateur. Hamlet devient une pantomine, ses gestes sont désarticulés et inappropriés à la scène - tant de déplacements sur la scène fatiguent et l'on a du mal à tout comprendre. Le texte de Shakespeare reste superbe, malgré ces difficultés, et l'on retrouve le fil sans peine. Mais quel dommage tout de même. Hamlet se déplace constamment, enlève lors d'une scène finale son pantalon, et ainsi nu fait des pompes. Pourquoi ? La touche de dérision peut surprendre, elle peut agacer aussi, car elle n'apporte rien ou bien sert-elle à insister sur la vatuité et la vanité des êtres. Enfin le spectre du père d'Hamlet passe et repasse, une fois, on peut le voir fumer. Dérision aussi ?

 

Au spectateur maintenant d'apprécier ce travail, où la part de recréation reflète une sensibilité actuelle...

 

Monique Farisy

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